Projection de "Chaumière" suivie d'une rencontre "précarité et accès au logement"
Projection de "Chaumière" suivie d'une rencontre "précarité et accès au logement"
"Chaumière", projection unique suivie d'une rencontre « précarité et accès au logement »
mardi 14 mai 2013
20h au Ciné Churchill
Projection unique suivie d'une rencontre « précarité et accès au logement » avec Emmanuel Marre, réalisateur, et David Praile, animateur du collectif Droit au logement de Liège et coordinateur de Solidarités nouvelles
Chaumière d'Emmanuel Marre, France, 2012, 1h10.
Pour son premier long-métrage, Emmanuel Marre propose un documentaire d'une grande sobriété qui met habilement en valeur une poignée de personnages aux trajectoires bien différentes. Leur point commun : un séjour dans un hôtel Formule 1. Ce lieu à l'uniformité déconcertante devient lui-même le personnage central de ce film original qui offre une réflexion subtile sur notre société contemporaine.
Le titre Chaumière pourrait nous laisser penser que l'histoire se déroule dans le décor d'une habitation rurale chaleureuse… Il n'en est rien. Le décor de ce documentaire est tout sauf chaleureux ! Loin de la traditionnelle image de la chaumière, nous sommes plongés dans l'univers impersonnel et ultra cheap d'un hôtel Formule 1.
Parfaitement identique à tous ses frères qui peuplent les périphéries des villes, cet hôtel a été construit et pensé selon un modèle bien précis. Les chambres sont toutes les mêmes, les sanitaires sont à l'extérieur des chambres et se nettoient automatiquement, la vue donne presque invariablement sur un parking, l'ambiance sonore aux alentours grouille de voitures filant à toute vitesse sur l'autoroute, les murs sont en crépis, le personnel est quasi absent, la signalétique est bien rodée...
Pour assurer notre immersion dans le monde F1 pensé et conceptualisé par le groupe Accor, Emmanuel Marre livre les grandes lignes du cahier des charges qui guide la construction et l'exploitation des hôtels de la chaîne. Dans une logique hautement mercantile, la fonctionnalité est le maître mot. Tout est pensé pour économiser argent, espace, temps et personnel. La logique est rappelée, si besoin, par les slogans publicitaires de la marque : « Vous profitez de la vue sur la mer quand vous dormez ? » ou encore « A quoi ça sert l'espace dans une chambre quand on dort ? »
Le décor étant planté, le jeune réalisateur promène sa caméra avec un cahier des charges qui semble, lui aussi, bien défini. Ayant choisi une unité de lieu, Emmanuel Marre se nourrira des personnages qu'il croisera dans cet espace défini. Au fil de ses rencontres, il donne petit à petit vie à cet espace anonyme et révèle toute la singularité des clients qui y séjournent. L'exiguïté des chambres semble le contraindre à s'installer dans l'embrasure des portes d'entrée pour filmer et à travailler presque exclusivement en plan fixe.
À l'instar des hôtels Formule 1 qui restent en périphérie des villes, Emmanuel Marre reste en périphérie des vies qu'il côtoie. On pourrait lui reprocher d'être trop bref, de nous laisser sur notre faim. Mais la variété des personnages est intrigante et il choisit de s'attarder davantage sur l'exploration de la diversité humaine qui anime ce lieu de passage que sur les parcours individuels. Avec beaucoup de pudeur, le réalisateur capte des instants de vie et rend compte de réalités complexes et différentes. Pour certains, le Formule 1 est un refuge, un lieu de transit ; pour d'autres, une étape sur le chemin des vacances, un espace de plaisir… Ouvriers, touristes, exilés sans papiers, amants, commerciaux, fêtards ou encore SDF se croisent dans cet habitat low cost.
Le pari d'Emmanuel Marre est audacieux, l'ennui et le cafard pourraient s'inviter. Mais le jeune réalisateur donne beaucoup de chair et de vie à son film. Au gré de ses brèves rencontres dans l'hôtel, il dresse par petites touches un portrait pluriel d'une société qui survit, cherche des repères, rêve, bouge, tente de s'extraire de conditions de vie difficiles le temps d'une nuit… Sous son oeil, l'hôtel F1 devient un excellent indicateur de notre monde contemporain, multiple et dépersonnalisé.
Marie-Céline Dardenne, Les Grignoux