diman 10
12:00

Action : Pic Nic the Streets !

dimanche 10 juin 2012 à 12h

Action : Pic Nic the Streets !

Pic Nic the Streets !




Dimanche 10 juin 12:00-14:00

Plus de 3 000 personnes ont déjà confirmé sur Facebook leur participation à l'événement « Pic Nic The Streets ! », le dimanche 10 juin de 12 à 14 h au boulevard Anspach.

A l'origine de cette initiative, un coup de gueule (lire ci-dessous) du philosophe bruxellois Philippe Van Parijs, professeur aux Universités de Louvain et d'Oxford. Il appelle les Bruxellois à un acte de « désobéissance civile » afin de rendre la ville aux citoyens.

Picnic the streets !

Furieux. Je ne peux pas m'empêcher de l'être en pensant à ma ville lorsque je découvre comment d'autres qu'elle, en Belgique comme à l'étranger, parviennent à transfigurer leurs places publiques, à aménager leurs espaces centraux, pour rendre agréable d'y flâner, de s'y rencontrer, de humer l'air sur un banc, de s'attarder à une terrasse. En comparaison, malgré quelques progrès - trop timides, trop lents - Bruxelles, sous cet angle, reste lamentable.

Et pourtant, ce n'est pas là un luxe, un caprice parmi d'autres. Une réhabilitation drastique des espaces publics de nos villes est indispensable pour que nous puissions dire à nos enfants, à nos petits-enfants : « vous devrez consommer moins que nous, et pourtant vous aurez une vie meilleure que la nôtre ». L'avenir de notre planète ne pourra être assuré que si les habitants du « Nord » consomment beaucoup moins de ses ressources qu'ils ne le font aujourd'hui. Ils n'y parviendront qu'en habitant plus serrés dans leurs villes. Ce qui y gonflera imperturbablement le coût des logements et en réduira par conséquent la taille moyenne. Faute d'espace privé, un espace public agréable et sûr deviendra toujours plus important pour l'équilibre de chacun, pour éviter que les plus jeunes n'explosent dans des flats trop étriqués et sur des trottoirs trop étroits, pour éviter que les plus âgés ne crèvent de solitude, et pour que toutes les composantes de communautés urbaines de moins en moins homogènes puissent se côtoyer sereinement au lieu rester confinées dans leurs ghettos respectifs.

A Bruxelles comme ailleurs, aucun progrès majeur ne pourra être réalisé sans libérer de vastes espaces de la circulation automobile et du stationnement, que ce soit en permanence, à certaines heures ou certains jours. Non seulement les voitures tuent les piétons et les cyclistes, à l'occasion en en écrasant l'un ou l'autre mais surtout, à petit feu, en injectant des crasses dans leurs poumons. En outre, elles les empêchent de prendre plaisir à leur ville, en encombrant l'espace public, en enlaidissant le paysage, en saturant leurs oreilles de décibels. Circuler en voiture dans un centre urbain doit cesser d'être la règle et devenir une exception justifiable seulement par une raison particulière : le transport d'objets lourds, par exemple, ou d'une personne à mobilité réduite.

A Bruxelles comme ailleurs, il y a des rêves et des projets qui vont dans le bon sens. Mais il est grand temps d'y aller plus vite et plus fort, d'autant plus qu'en tant que capitale d'une Europe en désarroi il incombe à Bruxelles, plus qu'à aucune autre ville européenne, d'avoir le courage de donner l'exemple. Si des autorités trop frileuses tardent à s'y atteler elles-mêmes, que les citoyens prennent eux-mêmes les choses en main, comme ils ont osé le faire dans le passé. Le 7 mai 1971, le magazine anglophone bruxellois The Bulletin lançait une pétition pour obtenir de libérer de toute circulation automobile la Grand-Place de Bruxelles, « the word's most beautiful car park ». Signée par de nombreux Bruxellois, dont Jacques Brel, elle ne parvient pas à faire bouger les autorités communales. Le Bulletin organise alors un sit-down protest sous forme d'un pique-nique bloquant gentiment l'accès à la Grand-Place à tout véhicule. Quelques mois plus tard, le bourgmestre Cooremans cède enfin. Qui s'en plaint aujourd'hui ?

C'est là un beau précédent, que nous serions bien lâches de ne pas émuler - modestement pour commencer. Avec le retour des beaux jours, que penseriez-vous par exemple d'un pique-nique chaque dimanche à midi sur toute la largeur du boulevard Anspach entre la Bourse et la Place De Brouckère ? Il suffira d'expliquer poliment aux automobilistes que pour une fois ce n'est pas à eux d'y imposer leur loi. Pour secouer une léthargie irresponsable, un brin de désobéissance civile douce est plus que légitime. En outre, Bruxelles regorge de musiciens et d'acteurs talentueux qui pourront bien égayer cela, même par temps maussade, et en faire bien plus qu'un pique-nique ou l'occasion d'une passeggiata. Et pour organiser l'ensemble, on trouvera certainement bien mieux qu'un vieux philosophe : une poignée de virtuoses de Twitter ou d'accros de FaceBook, voire l'un ou l'autre pionnier des flashmobs. En tout cas, je serai de la partie. Je n'ai été au cachot qu'une seule fois dans ma vie. Je serai heureux d'y retourner, s'il le faut, pour une cause comme celle-là. Qui est prêt à m'y accompagner ?

Philippe Van Parijs
Professeur aux Universités de Louvain (Chaire Hoover d'éthique économique et sociale) et d'Oxford (Faculté de droit)

Source : http://www.ieb.be/Pic-Nic-the-Streets